Pour les 150 ans du HAC rugby, Bertrand Lécureur, chargé de mission du club a travaillé pendant un an et demi pour proposer un livre anniversaire de 180 pages aux amoureux du ballon ovale. Dans cet entretien, l’écrivain nous raconte l’histoire du club, son propre parcours, les difficultés par lesquelles il est passé pour l’écriture de ce bel ouvrage. Des dédicaces auront lieu à la librairie La Galerne du Havre, le 8 avril et le lendemain à la librairie Mille Feuilles de Pont-Audemer.
Bonjour Bertrand pour commencer cette interview pourriez-vous vous présenter ?
J’ai 53 ans, je suis né au Havre. Je suis professeur d’histoire-géographie (lycée Prévert à Pont-Audemer) et travaille dans un musée à Rouen (Munaé).
Quels sont les liens qui vous lient avec le rugby ?
J’ai commencé le rugby au HAC en 1983 jusqu’en 1987, en minimes, cadets, juniors, j’ai vraiment vécu mes plus belles années rugbystiques. J’en ai conservé de belles amitiés encore aujourd’hui.
Ayant quitté Le Havre pour mes études, j’ai joué ensuite avec l’Université de Rouen : de bons moments également ! Nommé prof au Havre, j’ai rejoué au HAC au milieu des années 1990. L’équipe était à la peine mais les souvenirs ne sont pas si mauvais finalement. Après une dizaine d’années consacrées au triathlon au HAC, mes fils m’ont amené au HRC, le club voisin. Leurs copains d’école y jouaient. Je les ai suivis comme éducateur à l’école de rugby puis responsable de la structure, dirigeant et même coprésident du HRC entre 2012 et 2017. Parallèlement, l’approche de mes 40 ans, j’ai rejoué en équipe B du HRC, aux Cheminots (un club rugby loisir vraiment sympa !) et avec les anciens du HAC (que de bons moments, là aussi !). Il m’est arrivé de jouer une même saison sous ces trois maillots différents ! J’ai fait tous les postes d’avants, j’ai adoré jouer pilier et troisième ligne. C’est vraiment sur le terrain, en tant que joueur et éducateur que se sont construits mes meilleurs souvenirs.
Comment est né votre projet de livre sur les 150 ans du Hac ?
Faisant de la recherche en histoire depuis 30 ans, j’avais le projet secret de m’attaquer un jour à celle du Club doyen. Je savais que les archives étaient essentiellement privées mais leurs propriétaires n’étaient pas encore prêts à les ouvrir il y a 15 ou 20 ans… En mai 2020, lorsque Gabriel Dubernet m’a proposé ce travail, je n’ai donc pas hésité le moindre instant. L’approche du 150ème anniversaire, le développement du HAC rugby, l’enthousiasme généré et le temps passant ont eu leur effet bénéfique : les familles « historiques » du club m’ont ouvert leurs portes et m’ont donné accès à de merveilleux documents et à leurs réseaux de relations. Je citerai en particulier Stephan Grandvallet, sans qui rien n’aurait été possible.
Le Hac est-il vraiment le club doyen des clubs de rugby ?
À ce jour, oui, sans la moindre hésitation ! Cela étant, il faut toujours rester prudent… L’espace côtier de Dunkerque au Havre est tellement proche géographiquement de l’Angleterre, pays où est né le rugby, qu’il n’est pas impossible que des Anglais aient traversé le Channel avant 1872, un ballon dans leurs bagages… Mais ce qui est certain, c’est qu’on ne connaît aucun autre club plus ancien, ayant continué son activité sans interruption jusqu’à aujourd’hui. Il y a probablement eu des équipes qui ont pratiqué le rugby un peu plus tôt qu’au HAC mais celles-ci ont vite disparu. Le HAC reste donc le seul encore en place. Autre argument enlevant le moindre doute : les deux autres clubs les plus anciens de notre rugby, le Racing (1882) et le Stade Français (1883) n’ont jamais contesté le statut de doyen du HAC, venant même fêter au Havre ses anniversaires en 1922, 1932, etc.
Quel est le palmarès du club ?
Quels sont les plus beaux chapitres de l’histoire du club ?
Il y en a eu tellement en 150 ans, chez les jeunes, chez les seniors ! De 1900 à 1914, le HAC est l’un des huit meilleurs clubs français aux côtés du Racing, du Stade Français, du Stade Bordelais, du Stade Toulousain, de l’Aviron Bayonnais, etc. Le HAC reste en haut de l’affiche durant les années 1920.
De 1945 aux années 1960, le HAC écrit encore de belles pages au troisième niveau national, notamment en 1951-1952. Deux saisons auparavant, ses juniors sont allés jusqu’en quarts de finale du Championnat de France Reichel, battus de justesse par l’U.S Cognac.
L’histoire du HAC est marquée également par de magnifiques échanges avec l’Angleterre, des matches amicaux mémorables ! Les anciens se souviennent par exemple des rencontres avec Henley RFC.
Plus récemment, la fin des années 2000 a été une belle période mais celle que le HAC traverse depuis 2016, n’a pas d’égal depuis près d’un siècle !
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Hac a opté pour les couleurs ciel et marine et pourquoi les couleurs du maillot sont à l’horizontal et pas à la vertical comme au football ?
Pourquoi le rugby qui historiquement est un sport du nord de la France est devenu un sport du sud et sud-ouest ?
On ne sait pas encore tout sur ce mystère. Le rugby arrive dans le Sud-Ouest par Bordeaux en 1889, son succès y est rapide. Personnellement, j’aime bien l’hypothèse avancée par certains spécialistes : le rugby a plus séduit des territoires de tradition protestante (Sud-Ouest, Midi), où le combat, le rapport au corps, au contact des corps sont mieux acceptés que dans les régions catholiques (au Nord de la Loire). Dans celles-ci, les corps qui s’entrechoquent, s’enlacent, s’agrippent posent un plus grand problème de pudeur morale… On y a donc préféré le football ou le basket, qui maintiennent davantage les corps à distance.
Quels sont les stades où a été pratiqué le rugby par le club du Hac ?
Au stade Langstaff depuis 1882 ! C’est d’ailleurs le plus ancien terrain de rugby de France encore en activité. Avant de prendre le nom de la famille qui l’avait acheté, en 1925, on l’appelait « le stade de Sanvic ». Sanvic était alors une commune hors du Havre et non pas l’un de ses quartiers. Après 1920, le HAC rugby a joué également quelques matches de gala au stade de la Cavée verte et enfin au stade Jules Deschaseaux. Dans le cadre du développement du club, la Ville du Havre a donné son accord pour que le HAC rugby dispute à Deschaseaux, tous ses matches seniors depuis octobre 2016. Le reste du club est toujours installé à Langstaff et ne doit jamais abandonner ce lieu mythique et historique de notre rugby !
Le club est depuis quelques années redevenu ambitieux, quelles sont ses ambitions ?
Le président du HAC Olivier Doutreleau et les principaux dirigeants en parleraient mieux que moi. Le HAC a l’ambition d’accéder en fédérale 1 la saison prochaine et de poursuivre son ascension à l’image de celle de Rouen Normandie Rugby, aujourd’hui en Pro D2. Le HAC a également d’autres belles ambitions : ouvrir un centre d’entraînement labellisé dédié à une meilleure formation des jeunes (rugby et études), développer le rugby dans les quartiers du Havre, etc. Tout ceci est inédit !
Comment avez-vous procédé pour l’écriture et la documentation du livre ?
J’y ai travaillé quotidiennement depuis mai 2020. J’ai d’abord réuni, classé et étudié les archives nécessaires, récupérées chez des propriétaires privés et aux archives municipales du Havre ou départementales à Rouen. De fin janvier à fin novembre 2021, j’ai rédigé le texte. Enfin, un travail spécifique de relecture, de mise en forme a été mené avec l’éditeur Ramsay. Mes parents, également auteurs de livres, Gabriel Dubernet et Stephan Grandvallet m’ont bien aidé. Sans eux, le projet aurait été plus difficile à mener à bien !
Quelles ont été les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées ?
Construire et rédiger la période des années 1980 à 2015 ! Ce n’est pas la plus glorieuse du HAC, excepté entre 2007 et 2010, De l’affectif entre en jeu, les acteurs sont presque tous encore présents… Pas simple ! En histoire, on n’aime guère aborder le passé immédiat, car on manque de recul. Les articles de presse sont beaucoup moins nombreux et détaillés que ceux des décennies précédentes. Enfin, bizarrement, moins de photos sont disponibles. On perd certaines habitudes, comme celle de faire de nombreux tirages sur papier d’une photo d’équipe et de la distribuer à tous les membres du club. Les supports numériques se perdent plus facilement que les photos sur papier ! Plusieurs personnes m’ont annoncé qu’elles avaient tout perdu parce que leur téléphone, leur disque dur avaient rendu l’âme. Il va falloir revenir très vite à quelques bons vieux tirages sur papier, cela se conserve mieux !
Quels sont les plus grands joueurs passés au Hac ?
Avant 1914, on se souvient des Basil G. Wood, Julius Meyer, William Crichton, Ernest-W. Lewis. Avant et après la Première Guerre mondiale, Jules Favrel s’est illustré sous les couleurs du HAC. Dans les années 1920, le HAC a vu passer dans ses rangs de sacrés joueurs comme Clément Dupont, Pierre Guelorget ou Joseph Brun. Avant 1939 et après 1945, vint l’époque des quatre frères Bernard. Après-guerre, Julien Tanguy et Georges Henry furent de formidables guerriers sur le terrain avec leurs coéquipiers Robert Grandvallet, Michel Vernier ou Philippe Davies. Lorsque l’on croise aujourd’hui des anciens adversaires du HAC dans les années 1970-1980, ceux-ci rappellent qu’ils avaient fort à faire pour contrer les Stephan Grandvallet, Pierre Jeanne-dit-Fouque, Pierre Menguy et autre Marcel Roch. Si ces joueurs avaient pu être détectés, peut-être auraient-ils même fait une carrière à plus haut niveau ! Plus récemment, David Auradou, formé au HAC, restera à jamais un monument du rugby havrais, national et international avec ses 41 sélections en équipe de France de 1999 à 2004. Guillaume Devade et Benjamin Dechartres, issus eux-aussi des équipes jeunes du HAC, ont également évolué au plus haut niveau dans les années 2000 et 2010. Un grand bravo aux éducateurs du HAC de cette époque !
Quels sont les évènements pour les 150 ans du club ?
Il y a déjà eu un très beau coup d’envoi le dimanche 13 mars dernier avec une fête magnifique à Deschaseaux, qui a réuni bon nombre d’anciens du HAC. Les seniors ont remporté leurs deux matches contre Poitiers avec un gros score en faveur de l’équipe 1 (67-17).
En interne, le 7 mai, les Doyens du HAC organisent un tournoi amical vétéran et les jeunes pousses disputeront un challenge dédié aux 150 ans le 12 juin. Durant tout l’été, des animations rugby auront lieu sur l’esplanade Nelson Mandela, au pied de la « Catène ». Enfin, le HAC s’active en ce moment pour offrir « le bouquet final » en novembre prochain, le vendredi 11 vraisemblablement. On espère la réception d’une équipe anglaise et d’un match international…
Pour terminer, avez-vous prévu des séances de dédicaces dans les prochains jours ou mois ?
Les rendez-vous les plus proches sont prévus à la librairie La Galerne du Havre le vendredi 8 avril à 18 h et le lendemain, à la librairie Mille Feuilles de Pont-Audemer à partir de 16h30. Une rencontre/signatures devrait également avoir lieu à Rouen dans les prochains mois, car le livre revisite également l’histoire du rugby rouennais à travers ses confrontations contre le HAC. Avec Gabriel Dubernet et Stephan Grandvallet, coauteurs, nous avons également l’ambition d’aller présenter notre livre à Paris, Bordeaux, Bayonne, Pau ou Toulouse. En effet, les clubs de ces villes ont rencontré le HAC avant 1914, dans les années 1920 et même après 1945 dans le cas du Racing, du Stade Français et de beaucoup d’autres clubs parisiens.
Nous aurions plaisir à leur rappeler que le HAC fait un peu partie de leur histoire. Enfin, les premières décennies d’existence du Club doyen sont étroitement liées à la naissance du rugby français… Cela doit donc intéresser toute la France du rugby, de Toulon, Perpignan jusqu’à Lille, de Strasbourg jusqu’à Brest !
Entretien réalisé par Grégory Constantin et mis en page par Laurine Decoudu. Avril 2022
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