Jean-Pierre Bourgier, ancien gardien de but et figure historique du HAC a accepté de nous accorder une interview dans laquelle plusieurs sujets sont abordés comme sa carrière, son attachement pour les couleurs ciel et marine, l’évolution du football ainsi que le poste de gardien de but. 

Bonjour Jean-Pierre, pour commencer cet entretien, pouvez-vous vous présenter s’il vous plait ?

Je suis né le 28 mai 1942, je suis ancien gardien de but au HAC.

Comment se sont passés vos premiers pas dans le foot ?

J’avais 11 ans et j’ai commencé à entrer au HAC à l’âge de 14 ans. Puis j’ai suivi toutes les étapes, minimes, cadets, juniors. C’est comme ça que l’on définissait les différentes catégories d’âge à l’époque.

Pourquoi le poste de gardien de but ? 

C’est le seul poste où je pouvais me débrouiller. J’étais à l’aise dans les sports avec les mains, au volley-ball, au basket-ball, handball et même au rugby de temps en temps lorsque j’étais étudiant.

Lorsque vous étiez jeune, aviez-vous un modèle de gardien qui vous inspirait ? 

Oui, j’en avais plusieurs. Jean-César Ruminski que je connaissais par mes parents car ils le voyaient comme un type extraordinaire, j’allais le voir jouer de temps en temps à l’époque. Il y avait également François Remetter et Joël Bats qui m’impressionnaient.

Avez-vous eu l’occasion de voir les finales de Coupe de France face à Sochaux ?

Bien sûr. D’ailleurs, on joue la demi-finale face à Nîmes et c’était assez spécial car mon père était originaire de là-bas. Mes oncles et tantes résidaient à Nîmes et lors de ce genre de matchs, ça créait tout un truc. On communiquait par téléphones même si à cette époque, c’était compliqué de téléphoner, mon père de par son métier en avait un.

Durant votre carrière de joueur, avez-vous eu des moments importants ou une saison qui a marqué votre carrière  ?

Je suis arrivé à une époque où l’on était descendu en 3ème division, ensuite on est remonté et après on est redescendu. J’avais une vingtaine d’années quand j’ai dû aller à l’armée, j’étais sursitaire car j’étais étudiant. J’ai rejoint le bataillon de Joinville pour jouer en équipe de France militaire. C’était quelque chose d’extraordinaire, il y avait les meilleurs joueurs de France. J’ai croisé des pointures comme Fleury Di Nallo ou encore Roger Lemerre.

Et avec le HAC, avez-vous vécu des moments forts ?

Il y en a eu plusieurs mais malheureusement, rien de très important sauf la montée en 2ème division avec Jean-Pierre Hureau. A l’époque, j’avais une licence amateure grâce au métier que je faisais à côté (professeur d’éducation physique) et il n’était pas question que je laisse tomber mon boulot, je jouais avec les pros. On jouait les matchs le dimanche à l’époque donc ça n’empiétait pas sur ma vie professionnelle. En tant que professeur, on n’avait pas beaucoup d’heures d’enseignement, seulement 18h par semaine mais on avait le même statut que les autres professeurs qui avaient plus d’heures d’enseignement que nous.

Au HAC à cette époque, il y avait de tout, des semi pro et des amateurs comme moi. Aujourd’hui ce n’est plus comme ça, il faut choisir, c’est soit on est footballeur, soit on travaille. Je suis plus passionné par mon club que par le foot en lui-même. Et en prenant de l’âge, tout ce que l’on finit par retenir, c’est l’aventure humaine.

Lorsqu’il y avait des matchs à l’extérieur, j’imagine que ça n’était pas les mêmes moyens de transports qu’aujourd’hui ?

Rien à voir. Lorsque j’étais sur la fin de ma carrière, on prenait l’avion de manière exceptionnelle, c’était super. Sinon, habituellement on partait en car la veille de match pour faire 200-300 km, c’était une belle ambiance de copains.

Comment s’est passée votre prise de poste en tant qu’entraineur de l’équipe réserve du HAC ?

On m’avait proposé d’entrainer l’équipe réserve et j’ai répondu « ok ». J’avais dû passer un diplôme d’entraineur malgré mon diplôme de prof d’EPS. J’avais réussi mon diplôme d’entraineur mais à l’époque, il n’y avait même pas d’entraineur spécifique pour gardien et c’est dommage car ça aurait pu me permettre de mieux m’exprimer à ce poste là.

Suite à cela, j’ai pris la fonction d’entraineur des jeunes gardiens du HAC, j’ai pu entrainer notamment Nicolas Douchez et Olivier Blondel. Nicolas est l’un des derniers que j’avais eu en tant qu’entraineur sur le terrain. Au bout de 50 ans, l’entrainement des gardiens devenait compliqué au niveau physique pour moi, j’ai donc décidé d’arrêter à 55 ans.

Photographie wikipédia :

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User:Liondartois

Et aujourd’hui, quel est votre rôle au sein du club ?

Mon dernier rôle officiel était conseiller de Vincent Volpe, j’étais très heureux car ça me permettait d’être toujours présent. Maintenant que Vincent a laissé le collier administratif à Jean-Michel Roussier, je suis invité à venir lors des matchs du HAC mais je n’ai plus un rôle vraiment officiel. Mais je peux toujours aider en donnant un avis comme ça très global. J’ai également été au conseil d’administration avec Jean-Pierre Louvel.

Quels sont, selon vous, les meilleurs moments vécus dans l’histoire du club ?

Je ne peux pas parler de meilleurs moments mais de moments différents. Il y a eu de grandes étapes quand même, la première grande étape négative, c’était l’abandon du professionnalisme en 1964. Ensuite, il y a eu la création du centre de formation, et ça, ça a été quelque chose de très important, à l’origine il y avait déjà des clubs qui en avaient.

C’est Georges Boulogne, ancien entraineur de l’équipe de France juniors qui a lancé les centres de formations en France, et c’est Jean-Pierre Hureau qui a été à l’initiative du centre de formation au HAC à la cavée au centre sportif de Saint-Laurent (pour les professionnels). Ensuite, en 2000 apparait la loi imposée que le football professionnel passe d’association à société et là, c’est Jean-Pierre Louvel qui était à la présidence.

D’ailleurs, j’ai appris beaucoup de choses sur le plan administratif, je ne savais pas ce qu’était un conseil de surveillance ni un conseil d’administration. Il a fallu structurer tout ça en société donc ça a été un grand tournant dans le football et dans l’histoire du HAC. Maintenant, bien évidemment ça fonctionne toujours comme ça.

Y’a aussi eu la création de syndicats de joueurs qui avant, étaient lâchés dans le vide en fin de carrière. Aujourd’hui, les contrats, les agents de joueurs, tout ça est devenu très structuré. Il y a aussi pour moi des moments de l’histoire du monde qui ont impacté le club comme l’invasion de la Russie à Budapest en 55-56. Le club a vu arriver quelques joueurs hongrois qui ont joué pendant plusieurs saisons.

Je me souviens aussi qu’au moment de la Guerre d’Algérie, plusieurs joueurs du HAC ont disparu du jour au lendemain après être retournés par obligation dans leur pays. Malheureusement, aujourd’hui il peut y avoir un parallèle avec les évènements qui se déroulent aujourd’hui en Ukraine.

L’arrêt Bosman a-t-il changé le football selon vous ?

Bien sûr, mais ça c’est un truc général dans la vie politique et co-administrative de l’Europe. Ca se base sur la libre circulation des travailleurs, l’absence de frontières et la libre circulation des capitaux. Donc cet arrêt Bosman, ça a permis de libérer tout ça avec tous les excès que ça a pu entrainer. On s’est aperçu que tout professionnel soit soumis à la même chose, liberté de circulation des joueurs, des travailleurs et pas de frontières. Pour moi, c’est une bonne chose de façon générale mais ça a beaucoup changé de choses concernant le football.

Que pensez-vous de l'évolution du poste de gardien de but ?

Quand j'étais gamin, on était un groupe de potes, on jouait dans la rue. Le mec qui ne pouvait pas trop courir, qui n'était pas à l'aise avec le ballon on lui disait "toi tu vas jouer dans les buts". A l'époque, je faisais partie des plus grands de mon équipe. Il y a de grandes différences par rapport à avant, il n'y avait pas d'entrainements spécifiques alors que maintenant les entraineurs de gardiens de but sont formés et ce n'est pas de la tarte.

Lorsque les centres de formation ont été créés, on accordait autant d'importance aux gardiens de but formés au HAC qu'aux joueurs de champ. On a formé beaucoup de gardiens qui ont eu par la suite une bonne carrière. Ce qui a été capital au niveau du jeu du gardien, c'est l'interdiction de prendre le ballon à la main sur une passe en retrait venant d'un partenaire.

Et ça, ça a tout changé ! Aujourd'hui, les gardiens de but sont tout aussi importants que les autres joueurs sur le terrain, d'où le mot "foot" qui veut dire pied et qui demande donc aux gardiens de but d'avoir un bon jeu de pied. Aujourd'hui, lorsqu'un entraineur hésite sur le choix de gardien titulaire lors d'un match, celui qui a le meilleur jeu au pied parmi les deux est sélectionné.

Mais il n'y a pas que ça, il y a aussi le matériel qui a aidé les gardiens, les gants, ça a été un truc qui m'a traumatisé durant toute ma vie de joueur car à mon époque on jouait avec des ballons en cuir et quand il pleuvait, les gants étaient tout un problème. Quand le ballon était en cuir et rugueux comme je l'ai connu et que l'on avait des gants en laine, ça allait. Mais par la suite, les ballons sont devenus plastifiés et quand il y a eu cette transition, les gants étaient devenus des savonnettes pour les gardiens. Ca veut dire que par rapport à maintenant, on ne sortait pas sur les duels aériens avec la même aisance qu'aujourd'hui.

Aujourd'hui, ils sortent sur les duels aériens, ils attrapent le ballon, ça colle. Mon point fort, c'était tout de même les sorties aériennes, j'étais un petit peu un déménageur.

Selon vous, la taille d'un gardien est-elle déterminante pour réussir ?

C'est sûr, la taille a son importance. C'est valable pour toutes les activités sportives, il y a un moment de toute façon où il y a une limite pour être footballeur. Quand je vois Brice Samba, ancien gardien de but au HAC aujourd'hui au RC Lens, malgré sa grande taille, il se projette au sol à une vitesse incroyable.

Aujourd'hui, on joue de plus en plus en repartant par le gardien pour construire le jeu depuis les 6 mètres. Même si cela peut causer de grands risques, quel est votre regard sur cet aspect de jeu ?

C'est bien fait pour eux, moi je trouve qu'il y a des équipes comme le PSG qui peuvent se permettre de repartir et de construire le jeu depuis derrière. Mais ça m'agace un peu même. Je pense que certains gardiens ne devraient pas se permettre de faire ce genre de choses surtout à un niveau très élevé, cela peut couter cher. Alors évidemment, ça a un intérêt car ça fixe les attaquants adverses très hauts et ça libère de l'espace. Moi je préfère des dégagements plutôt longs et de la présence sur le deuxième ballon, mais bon c'est mon avis personnel.

Avez-vous des personnes qui ont été importantes durant votre parcours, des personnes qui vous ont marqué ?

Alain Belsoeur, c'est un gars qui a toujours été là en tant que secrétaire général. Il y aussi un monsieur qui s'appelait Pierre Crinière qui a travaillé pour le HAC dans les années 60. Des gens très importants pour le club tout comme les présidents Hureau et Louvel.

Quel est votre pronostic pour cette fin de saison de Ligue 2 ?

Plus j'avance en âge, plus je stresse devant les matchs, j'ai le track. Y'en a quand même beaucoup qui voudraient être à notre place. J'espère que l'on va terminer en tête, ce serait sympa. Il y a quelques années, j'en parlais beaucoup avec le regretté Christophe Revault de la façon dont il fallait un peu aborder les choses, pour la montée en Ligue 1. Pour moi, il faut avoir une bonne défense !

Il ne faut pas prendre de buts, en Ligue 2. A partir du moment où tu ne prends pas de but, tu peux toujours en mettre un, et c'est ce qu'il se passe actuellement. Cette année, on a une charnière et 2 latéraux qui sont bons, un milieu de terrain qui tient la route avec Victor Lekahl et Richardson. Par contre devant, c'est plus compliqué. Heureusement qu'on a beaucoup de milieux ou de défenseurs qui marquent des buts. Lloris a marqué des buts très importants. Il y a un collectif qui nous permet quand même d'en être là où l'on est, le facteur chance n'est pas absent mais à force de dire que l'on en a, c'est qu'on l'a tout de même provoquée. Je suis un inconditionnel du club, si on joue comme des cons mais qu'on gagne, moi je suis content, c'est nul comme réflexion mais voilà !

Tout tourne dans notre sens. Nous c'est comme l'Allemagne, à la fin, c'est le HAC qui gagne ! Mais c'est vrai, dès fois on est dominé. On est pas dominants contre les petites équipes et c'est donc pour cela qu'il ne faut pas craindre les plus grosses. Il n'y a pas de science exacte dans le football et il n'y a que dans ce sport que c'est comme ça. En football, les surprises sont constantes, il y en a tout le temps. Par exemple, je parle souvent avec un ami rugbymen et je lui explique qu'au rugby, il n'y a pas de surprises, c'est les plus forts et les plus costauds qui gagnent alors qu'au football, ça arrive de manière régulière.

Quel est votre regard sur le HAC foot féminin ?

Vincent Volpe est un fondu de cette équipe féminine. Ces filles amènent une consistance supplémentaire. Moi je n'aurais jamais cru que les filles jouent au foot un jour. Je me souviens lorsque j'étais professeur d'EPS au lycée Claude Monnet, une fille était venue me voir et m'avait dit "excusez moi monsieur, j'ai envie de jouer au foot mais je n'ai pas de clubs". Elle en avait tellement envie que je ne voulais absolument pas la décevoir et je lui ai répondu "oui" et ça remonte déjà à une plus d'une vingtaine d'années tout ça. Il faut que les jeunes aillent vers leur passion, c'est capital, c'est le seul truc que je peux recommander aux gens. Donner des conseils aux jeunes n'était pas si évident que ça à faire donc je leurs disais toujours "fais ce que tu as envie de faire". Ne jamais déserter son idéal. Si t'en as vraiment envie, vas-y. Si tu te casses la figure, tant pis mais au moins après tu n'auras pas de regrets.

Quels sont les 3 sportifs normands toutes générations confondues à qui vous souhaiteriez rendre hommage ou qui vous ont marqué ?

Il y en a tellement des gars qui ont fait des trucs formidables, je pense au nageur Hugues Dubosq qui est aussi en tant qu'individu, quelqu'un de formidable et qui donne une belle image du Havre, un garçon du milieu populaire.

Vikash Dhorasoo qui est de Caucriauville, donne également une très belle image de la ville. C'est un garçon intelligent, qui a de la répartie.

J'ai tellement connu de mecs dans tellement de disciplines que je suis un peu perdu pour faire des choix. Mais y'a des sportifs qui ont marqué mon enfance, Mimoun par exemple, Michel Jazi, d'ailleurs, j'étais avec lui à l'armée à Joinville.

Il y a aussi la personnalité qui est très importante, moi un mec qui m'avait impressionné au centre de formation du HAC, c'était Pogba. Il dégageait une aura particulière, on le connaissait déjà pour ses grosses qualités mais il était très imposant.

CC BY-SA 3.0
Source : WIKIPEDIA

Entretien réalisé par Gregory Constantin et Damon Spahija. Mis en page par Damon Spahija.

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