Pratiquant le tir depuis 3O ans, Isabelle Platel 5 fois médaille d’or en championnat de France et ayant participé à plusieurs tournois européens et internationaux (championnat d’Europe, championnat du monde et Coupe du monde) nous accorde aujourd’hui une interview sur le Boulevard des Champions, pour nous parler de sa passion et de sa carrière.

Bonjour Isabelle, pourrais-tu te présenter s’il te plait ?

Je m’appelle Isabelle Platel-Maréchal, je suis mariée et maman d’une jeune fille. Après 30 ans chez Dresser-Rand au Havre, je suis actuellement en reconversion professionnelle. Mes loisirs : l’aquarelle depuis une quinzaine d’années et le tir au pistolet qui est plus qu’un loisir depuis 30 ans puisque j’ai été quelques années au haut-niveau en équipe de France pour la discipline pistolet 10m. Dès mes débuts en compétition, au pistolet à air comprimé à 10m, en 1993-94, j’ai remporté des médailles au championnat départemental et au championnat régional, établi un nouveau record de Normandie, et depuis j’ai rarement quitté la première place. J’ai pratiqué le tir à 50m quelques saisons le temps de fixer un nouveau record de Normandie et j’ai arrêté pour faire du pistolet 25m, qui est plus « fun » avec du tir de vitesse, pour lequel je détiens aussi les records de Normandie.

Comment as-tu été amenée à pratiquer la discipline du tir ?

Si je n’avais pas travaillé Chez Dresser-Rand je n’aurais jamais connu le tir sportif. Les armes ne m’ont jamais intéressée et j’ai découvert par hasard le tir quand un membre du club de tir de la société est venu me voir pour me demander de participer au concours que la section tir du CE organisait. Il avait vu dans le journal trimestriel que je venais d’être embauchée et que j’avais fait du tir à l’arc à l’Université. J’ai participé au concours en tirant à la carabine et au pistolet à air comprimé, et j’ai gagné. Du coup, le président du club m’a invité à m’inscrire, ce que j’ai fait, et c’est comme ça que tout a commencé, c’était en 1993, et je me suis tout de suite orientée vers le pistolet à air comprimé qui est une discipline à 10m (le stand du CE n’est fait que pour le 10m)

Comment a évolué ta passion pour ce sport ?

Ma passion a augmenté en même temps que mes résultats. Je pense que c’est le fait d’avoir des aptitudes pour ce sport et d’y remporter des succès qui m’a fait me prendre au jeu à toujours vouloir faire mieux. Je n’ai pas de passion pour les armes elles-mêmes, je n’y connais rien et ne les collectionne pas, mais c’est le côté contrôle de soi et du geste technique parfait qui m’attire : faire les choses simplement, dans le bon ordre et en appliquant beaucoup de volonté pour que le projectile arrive au centre de la cible, et enfin ressentir la réaction de l’arme au départ du coup et se dire avant même d’avoir vérifié le résultat que ça va être un « 10 », c’est hyper satisfaisant.

Ma discipline de prédilection et celle avec laquelle j’ai brillé le plus est le pistolet 10m (air comprimé). Dès les premières compétitions j’ai remporté les concours locaux, à mon premier championnat départemental en 1994 j’ai pris la 2nde place sur le podium en me qualifiant pour le championnat régional. J’ai remporté la 1ère place au championnat régional en battant le record de Normandie et en me qualifiant pour le championnat de France. Mon premier championnat de France a donc été en février 1994, lors de ma première saison, et j’y ai fini 16ème. Depuis cette époque, j’ai trusté la première place des podiums des départementaux et régionaux, et franchi divers paliers avec l’aide des conseils des meilleurs tireurs normands, et ensuite en participant à des stages organisés par la Ligue de Normandie. En 1999, après une 2éme place au championnat de France 10m, j’ai intégré l’équipe de France et commencé à sortir sur des compétitions internationales. Ça m’a super motivée même si c’était compliqué à gérer avec mon emploi chez D-R car je partais plusieurs jours d’affilée et ça pouvait être en semaine. Mes weekends et mes congés passaient tous dans le tir.

J’ai atteint le sommet de ma carrière sportive en 2010 lorsque j’ai participé au Championnat du Monde de Munich et au cours de l’année suivante, j’ai réalisé que je n’irai jamais aux J.O. (j’avais été présélectionnée plusieurs fois au cours de ma carrière) et mon maximum avait été atteint. Ma motivation a alors baissé et j’ai levé le pied. Alors que je me surclassais en Dame 1 pour rester en équipe de France (entre 20 et 45 ans on est en catégorie 1, et entre 45 et 60 on est en catégorie 2), je me suis rangée dans ma catégorie d’âge en 2012, Dame 2, et depuis je performe au niveau national uniquement, j’ai abandonné l’international.

Peux tu nous décrire ton sport ?

Le tir est un sport individuel, d’exigence envers soi-même, qui nécessite de la concentration, de la stabilité, et une bonne coordination. Le mental est super important pour réussir un bon match. Pour un match pistolet 10m précision ou à 25m, il faut performer sur 60 plombs de match. Il faut donc appliquer 60 fois la bonne technique avec la même volonté de bien faire si l’on veut réaliser son meilleur score. Pour bien tirer, quelqu’un de nerveux sera donc obligé de se contrôler. J’ai un de mes tireurs du club qui m’a dit l’autre jour que le tir lui apportait beaucoup car il a toujours pleins d’idées qui lui passent par la tête constamment et il a du mal à se concentrer, mais le tir l’oblige à canaliser son esprit sur un objectif unique.

Il y a de nombreuses disciplines de proposées par la FFTIR et je ne les connais pas toutes, elles sont sur des distances différentes : à 10 mètres on aura les armes à air comprimé et de l’arbalète, à partir de 25 mètres on aura des armes à cartouches ou poudre noire. Il y a du tir sur cible fixe, et du tir sur cible mouvante comme la « cible mobile » ou le « ball trap ». Le passage par le tir à 10m est obligatoire avant d’accéder au tir avec des armes réglementées car on y apprend les bases du tir et les règles de sécurité.

Combien y’a-t-il d’adhérents à la fédération ? Ou peut-on pratiquer le tir au Havre ?

La FFTIR comprend 225 000 licenciés dont 11 000 dans la Ligue de Normandie. Il y a 77 clubs en Normandie. Au Havre, il y a le stand de la STHRH qui se trouve près du Leclerc de Gonfreville (stand de taille régionale avec du 10-25 et 50m), le Black Powder sur la route d’Oudalle au pied de la falaise, et l’ALR à Rouelles à proximité de la Mairie.

Est-ce un sport onéreux ?

Les clubs prêtent le matériel aux débutants, en règle générale. Mais si l’on veut faire de la compétition, il est mieux d’avoir son propre matériel. Être compétiteur pistolier coûte moins cher que d’être carabinier ou arbalétrier car on n’a besoin que d’un pistolet. Les deux autres ont besoin de chaussures montantes, d’une veste et d’un pantalon spécifiques. Un pistolet 10m (air comprimé) coûte environ 1400€ neuf et une carabine 1800€. On peut trouver du matériel d’occasion. Les armes à air comprimé que l’on utilise ont une puissance de moins de 20 joules, sont donc de catégorie D , et peuvent être achetées par des personnes majeures.

Où et comment peut-on se procurer le matériel ?

Les catégories D sont en vente libre pour les majeurs, et on les trouve chez les armuriers ou par correspondance. Pour les armes à feu, il y a plusieurs catégories et leur vente est réglementée et doit passer par les armuriers.

Comment a évolué ta carrière ?

Ma carrière a évolué naturellement, mes scores étant de plus en plus élevés, quand j’ai fait un podium au championnat de France en février 1999 j’ai été remarquée par la Direction Technique Nationale (DTN), et j’ai été conviée sur mes premières compétitions internationales en 1999-2000 à Pilsen (République Tchèque) et au Luxembourg. Par la suite, j’ai participé à des compétitions en Allemagne, Espagne, Autriche, Suède, Serbie, Pays-Bas. Les hauts ont été ma participation au championnat d’Europe à Göteborg en Suède en 2003, j’ai fini 11ème avec un score de 381 sur 400, la Coupe du Monde de Belgrade en Serbie en 2010 où j’ai fini 14ème avec un 381/400, et le Championnat de Monde de Munich en 2010 aussi où j’ai terminé 26ème avec un 380/400. Ce ne sont pas des premières places mais me dire que j’ai été 26ème à un mondial, c’est plus que cool pour moi. Il y a aussi eu un match international en 2004, en Allemagne à Wiesbaden, où avec deux coéquipières de l’équipe de France nous avions fini 1ères par équipe en battant le record de France de l’époque.

Entre 2004 et 2009 j’ai arrêté les compétitions internationales car je suis devenue maman en 2004. J’ai ralenti le rythme des entraînements tout en continuant la compétition au niveau local et national, et j’ai fait une saison blanche en 2007 car j’avais un gros manque de motivation, mais quand j’ai pu retrouver ma motivation, j’ai de nouveau été sollicitée par la FF Tir pour revenir en Equipe de France et c’est là que j’ai participé notamment à deux Coupes du monde et un championnat du monde. Comme je l’ai dit plus haut, en 2011 j’ai réalisé que je n’irai jamais aux J.O. de 2012 (il y avait une ou deux tireuses plus jeunes et meilleures que moi dans l’équipe) et que mon maximum d’investissement personnel avait été atteint. Ma motivation a alors baissé et j’ai levé le pied. Alors que je me surclassais en Dame 1 pour rester en équipe de France (entre 20 et 45 ans on est en catégorie 1, et entre 45 et 60 on est en catégorie 2), je me suis rangée dans ma catégorie d’âge en 2012, Dame 2, et depuis je performe au niveau national uniquement, j’ai abandonné l’international, mais ça me convient et je me fais toujours plaisir en remportant des médailles au championnat de France de temps à autre comme cette année où j’ai fait une bonne moisson avec 3 médailles, 2 Or et 1 Bronze, sur les 5 disciplines que je pratique.

Quels ont été tes titres majeurs ?

Il y a ma première place en équipe à Wiesbaden en 2004 et mes participations au championnat d’Europe en 2003 et au championnat du Monde et coupe du Monde en 2010-2011, et au niveau France, mes 5 médailles d’Or en championnat de France. Au niveau régional et départemental, j’ai quasiment toujours été première au pistolet précision 10m, et au 25m, j’ai aussi remporté de nombreux titres.

Déjà 10 ans que tu as arrêté la compétition, quelles en sont les raisons ?

En fait, je n’ai pas arrêté la compétition, sauf en 2007, j’ai juste arrêté l’équipe de France et le haut-niveau. Je continue à faire les qualifications au championnat de France 10m et ensuite 25-50m, mais je m’arrête au championnat de France. J’ai été en équipe de France de 1999 à 2012 avec un break entre 2004 et 2009 après que j’ai eu ma fille. Après avoir participé au championnat du Monde en 2010, quand j’ai réalisé que mon maximum était atteint et que ça ne valait plus le coup de sacrifier ma vie de famille pour le tir, je me suis donc « rangée » dans ma catégorie d’âge, Dame 2 qui commence à 45 ans, car je me surclassais en Dame 1 restée en équipe de France, j’ai largement réduit la fréquence de mes entraînements, et j’ai pu enfin passer plus de temps avec ma famille et profiter de mes jours de congés qui n’étaient plus utilisés pour des stages ou des déplacement pour le tir. Mais j’aime toujours la compétition et je suis heureuse d’être toujours capable de remporter des médailles aux championnats de France (en D2 cette fois), et je suis toujours sur le podium au championnat départemental et au régional, et toujours sur la plus haute marche dans mes disciplines favorites.

Peux-tu nous décrire une journée d’entrainement ?

Lorsque j’étais au sommet de ma carrière sportive, l’entraînement était sur mon temps de repas du midi et le soir après le travail, et le samedi.
Le midi, pendant 3/4 d’heure je faisais un travail sur ma position, sur la prise en main du pistolet car il est important d’avoir de bons repères sur la crosse pour toujours reproduire le même geste à chaque tir, et la position du corps par rapport à la cible est super importante, et je vérifiais mon travail en faisant quelques cartons (c’est à dire en tirant des plombs dans la cible pour voir le résultat) car les exercices étaient en « tir à sec » c’est à dire sans départ du coup. Il y a un travail mental à faire concernant la position du corps, il faut se visualiser comme étant ancré au sol (ex: on a des racines sous les pieds qui entrent profondément dans le sol et nous empêchent de bouger), le corps d’un bloc (ex: on est en béton des pieds jusqu’à la main) et seul le doigt peut bouger pour actionner la queue de détente).
Le soir, pendant 1h30 voire 2h, je travaillais la visée, la coordination entre la visée et le lâcher (l’action du doigt sur la queue de détente qui entraîne le départ de la charge propulsive), en tir à sec ou en tir réel, et le mental en travaillant le rattachement de pensées positives au bon geste technique. Il faut travailler la pensée positive et la rattacher au geste parfait qui fait un « 10 », et savoir retrouver cette pensée positive quand on vient de tirer un mauvais plomb.
Le samedi matin, j’avais plus de temps et donc je faisais généralement un match complet pour voir le résultat du travail de la semaine et être en situation de compétition : 40 plombs à l’époque pour les catégories « Dame ». Depuis la saison 2018-2019 on tire sur 60 plombs comme les « Seniors » (les hommes).
A l’heure actuelle, mes entraînements sont plus beaucoup plus « light » (1 heure par semaine dans le meilleur des cas) ce qui engendre de l’irrégularité dans mes résultats en match. Après toutes ces années de pratique, je connais parfaitement ma technique, et le fait de manquer d’entraînement fait que je dois compenser avec un effort de concentration et de volonté plus grand lors des matchs. Dès fois ça marche très bien, et d’autres fois moins bien et je me suis dit qu’il fallait que je m’entraîne plus pour remonter mes scores qui ne me satisfont pas toujours (même quand je remporte la compétition)

Y’a-t-il une préparation physique et mentale avant une compétition ?

Tout le travail préparatoire, physique et mental, se fait tout au long de l’année à l’entrainement, et oui il y a des choses à faire le jour de la compétition. Déjà, si on a un match le matin, il faut se lever au moins 3 heures avant car le réveil musculaire est de cette durée. Ensuite, il faut éviter de manger trop lourd juste avant le match car la digestion monopolise l’énergie du corps alors qu’on en a besoin pendant la compétition. Une heure avant la compétition, on fait des étirements et mouvements de bras pour chauffer les muscles, et, s’il y a un lieu de prévu pour, il faut faire des visées en tir à sec, pour compléter l’échauffement, et on travail son mental en essayant de visualiser ce que l’on doit faire à chaque tir pour que ce soit un succès.
Lorsque l’on nous invite à accéder au pas de tir, on a un temps de préparation de prévu, ensuite un temps d’essais, et le temps de match : pendant le « temps de préparation » on sort son matériel et on a le droit de faire du tir à sec, ensuite il y a la « période d’essais » pendant laquelle on tire en réel et on peut affiner les réglages de l’arme (la lumière des divers stands étant différente, ça peut jouer sur les réglages), et ensuite on a le « temps de match » dont chaque plomb tiré compte pour le résultat.

Quelles ont été les rencontres les plus importantes durant ta carrière ?

C’est difficile de répondre car il y a eu pleins de moments : il y a une rencontre qui est évidente, c’est celle avec la personne qui est venue me chercher pour faire du tir quand je ne savais pas qu’un tel sport existait. Par la suite, il est devenu mon mari et m’a toujours soutenu pour que je puisse partir sereine dans tous les déplacements avec l’Equipe de France. Il y a eu aussi les meilleurs pistoliers havrais et normands qui m’ont donné de bons conseils à mes débuts et grâce auxquels j’ai amélioré ma technique, ensuite mes entraîneurs de l’équipe de France.

Quels ont été tes plus beaux moments, des moments que tu aurais aimé revivre ?

J’ai un point faible, c’est que une fois que le moment est passé, j’ai du mal à me souvenir. Je suis heureuse sur le moment et je passe à autre chose… De plus, lors des matchs importants, je donne tout ce que j’ai et j’en ressors vidée mentalement. Les entraîneurs disent toujours avant le match : « fais toi plaisir ». Je n’ai jamais compris comment faire ça. Le plaisir vient par la suite quand on voit son résultat (ou pas si le résultat n’est pas celui espéré) mais pas pendant le match où l’on est très concentré. Mais il y a des moments que j’aurais aimé revivre comme le championnat d’Europe de 2003 en Suède, c’était ma première « grosse » sortie internationale, pour laquelle j’avais reçu ma première tenue officielle de l’équipe de France. J’y ai fait un excellent point (381/400), même si j’ai raté l’entrée en finale quand j’ai tiré un 8 en dernier plomb avec comme sensation de ne pas m’être battue suffisamment pour le tirer.
Mon plus beau moment est mon premier championnat départemental : je n’ai fini que 2ème mais les tireurs se demandaient qui était cette nouvelle venue… Et quelques semaines après, je remportais le titre de championne de Normandie en battant le record de Normandie et en le fixant à 375/400 (par la suite je l’ai fait monter à 384/400). J’avais souri quand une tireuse était venue me voir pour me demander qui était mon entraîneur… je venais de commencer le tir quelques mois auparavant et je n’avais bénéficié que des conseils des tireurs de mon petit club.

Peux-tu nous présenter 3 sportifs normands que tu apprécies ?

Les sportifs que je connais sont dans le milieu du tir, et on discute technique, partage de conseils :
– Laurent Hébert de Caen, excellent tireur 25-50m et armes anciennes,
– Philippe Marié de Gournay en Bray qui a déjà été sur le podium du championnat de France, qui tire de nombreuses disciplines,
– Hervé Kerspern, excellent à 10m et 50m, qui tire à Deville les Rouen.

Entretien réalisé par Damon Spahija et mis en page par Quentin Even.

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